Chapitre 33 : Ultimes révisions
Ce fameux lundi, c'est d'une marche fébrile que je me mets en route pour l'École. Ce dernier lundi, je me corrige. Ce lundi, c'est le dernier lundi de cours. Certes, il restera mardi, mercredi et jeudi avant les examens, mais ce jour marque en quelque sort le début de la fin. Où serais-je dans une semaine ? Que ferais-je ? Tellement de questions qui restent en suspens...
Parrain. J'imagine ce que Parrain ferait à ma place. J'ai presque l'impression d'entendre sa voix dans ma tête.
"Hey ! Liv' ! Relaaaax ! T'as une semaine, c'est tranquiiiiiiille ! Pour l'instant, profite du moment présent avec tes amis ! Je vais pas criser si tu restes plus longtemps avec l'autre type au nom d'arbre ! Et ton avenir va pas s'envoler non plus ! Amuse-toi !"
Oui. C'est exactement ça. C'est exactement ce qu'il dirait s'il était là. Je décide de suivre "ses" conseils. Ils constituent la la meilleure solution que j'ai trouvée. Et que je puisse trouver.
En franchissant le portail de l'École, je souris. Je souris en les voyant. Je souris en voyant (entendant, surtout) Kaitlyn, sur ses Rollers, traiter Caleb de tous les noms. Je souris en voyant Caleb tenter de maintenir Kaitlyn debout (scène qui m'aurait remplie de jalousie si je n'avais pas eu connaissance de leurs liens familiaux). Je souris en voyant tous les autres : Amélie, Selena, Artémis, Lukas, Cloé, Jackson... Oui. C'est exactement ça.
"Profite du moment présent avec tes amis"... C'est la meilleure chose à faire. C'est toujours la meilleure chose à faire.
***
"-Très bien, commence Melle Palonia quand nous sommes tous rassemblés dans la cour intérieure. Comme vous le savez tous, du moins je l'espère, vendredi, auront lieu vos examens finaux. Ils marqueront la fond de l'année et l'aboutissement de vos efforts. Les épreuves seront divisées en deux parties : le matin, une étape écrite et théorique, et l'après-midi, un test pratique contre un inspecteur. L'échec n'est pas une possibilité ; cela signifierait que j'ai mal fait mon travail. Et je ne fais jamais mal mon travail, puisque jusqu'ici, tous mes Élèves ont brillamment réussi. Alors, ne me décevez pas et faites honneur à la réputation de notre École. Pour ce faire, cette semaine, les leçons prendront la forme de révisions intensives. Aujourd'hui, nous reverrons les combats, et demain la culture. Les deux jours suivants, vous choisirez vous-mêmes votre atelier en fonction de vos points faibles. Très bien. Comme d'habitude, faisons une démonstration. Olivia, approche, veux-tu. Selena, tu seras son adversaire. Les filles, c'est quand vous voulez."
Je m'avance sur le terrain ; la brune prend place en sautillant.
"-Krokfeu, viens on va mettre la pâtée à Olivia !, s'écrie-t-elle.
-N'y compte pas trop ! Coraya, go !", répliqué-je.
Je comprends le jeu de mots de Selena en voyant son Pokémon : un chien noir, au museau et ventre rouge. Un Malosse.
"Chien", "pâtée"... mais où va-t-elle chercher ses blagues ? Réponse : loin. Voire très loin.
"-On va commencer ! Coraya, Bulles d'O !
-Krokfeu, Flammèche !"
Mon Corayon ouvre la bouche et envoie une multitude de sphères aquatiques, tandis qu'une boule de feu sort de la gueule de Malosse. Se produit alors une chose totalement inattendue.
L'attaque Eau, qui devrait normalement avoir l'avantage sur la capacité Feu, est arrêtée par cette dernière. Elle touche Coraya de plein fouet, malgré les affinités de types qui jouent pourtant en sa faveur.
"-Olivia ! La météo !", me sermonne la professeure.
Je lève la tête vers le ciel et constate, qu'en effet, le soleil brille au Zénith. De plus, c'est complètement normal, vu que nous sommes au mois de juin. Si je ne peux pas atteindre Krokfeu par l'eau, reste toujours l'option des roches.
"-Coraya, tout va bien ?
-Coraaa ! Coraaa !, s'égosille-t-elle pour me montrer qu'elle peut continuer.
-Dans ce cas, lance Pouvoir Antique !
-Attaque Crocs Feu !", s'exclame Selena en sautant.
Coraya invoque les pierres fossilisées et les projette sur son adversaire. Ce dernier ne peut les éviter, mais malgré les dégâts subis, il continue sur sa lancée, saute et attrape Coraya par une de ses excroissances. Je souris en repensant à toutes les fois où nous avons été dans cette situation.
"-Et maintenant... envoie-le valser !
-De quoi ? J'préfère la salsa, moi !", me taquine ma camarade.
Comme lors des combats précédents, Coraya se met à tourner rapidement sur elle-même, jusqu'à ce que Krokfeu lâche prise et atterrisse un peu plus loin, le museau dans la poussière.
Seulement, à l'endroit où les mâchoires serraient leur emprise, demeure une petite marque rougeoyante. C'est une brûlure. Il va falloir que je termine le combat rapidement et efficacement, car en plus de subir des dégâts, ses attaques vont petit à petit perdre en puissance. Je décide de réitérer ma précédente attaque car une Charge ne suffira pas, et un Soin aurait été bien utile, mais n'aurait fait que rallonger la durée de l'affrontement.
"-On y est presque ! Coraya, utilise encore une fois Pouvoir Antique et donne tout ce que tu as !, l'encouragé-je.
-Mon petit Krokfeu tient bon !, minaude Selena. Repousse l'attaque avec Hurlement !"
Le chien aboie aussi fort que lui permettent ses cordes vocales, tandis que mon Corayon envoie à nouveau les roches. Celles-ci rencontrent "le mur" formé par le cri. S'engage alors une lutte acharnée : Coraya tente de contrôler son attaque pour qu'elle ne se retourne pas contre elle ; Krokfeu ne diminue pas le volume de son Hurlement et petit à petit, il gagne même du terrain.
Ma partenaire grimace, affaiblie par son altération de statut et, au prix d'un ultime effort, parvient à projeter la moitié des rocs sur son adversaire. L'autre moitié lui est renvoyée.
Les deux Pokémon subissent l'impact exactement en même temps, avant de s'écrouler, toujours synchrones.
"-Qui fait la conclusion de l'arbitre ?, interroge l'institutrice.
-Les deux Pokémon ne sont plus capables de se battre, c'est donc un match nul, conclut Laurent.
-Très bien, merci. Olivia, Selena, beau combat. Il aura servi également de rappel quant à la météo et aux altérations de statut. Allez à l'infirmerie pour que les combattants puissent se rétablir ; ça sera ensuite à vous de faire les arbitres. Les autres, on ne perd pas de temps ! Au travail !"
***
Une fois que nous avons confié nos Pokémon aux bons soins de l'infirmière, nous rejoignons nos amis, qui sont tous agglutinés les uns aux autres, formant ainsi une grande ronde.
Je me faufile jusqu'à Caleb, et comme il ne s'aperçoit pas tout de suite de ma présence, je lui pince le bras.
"-AÏE !, s'écrie-t-il. Ça va pas la tête ! Oh, Olivia !... Je voulais dire... Qu'est-ce qu'il y a ?
-C'est justement ça ma question : il se passe quoi ?
-Le règlement de comptes de la Marquise...", soupire-t-il.
En effet, au centre du cercle, se trouvent Kaitlyn et Rebecca. Cette dernière a, comme à son habitude, une attitude arrogante et hautaine, tandis que chez notre amie, tout respire la colère. Voire la hargne. Heureusement qu'elles tiennent leur Poké-Ball à la main, sinon j'aurais parié qu'elles allaient lancer l'attaque Baston. Les garçons sont réputés plus chahuteurs, mais ce n'est rien comparé aux filles qui, entre elles, sont de véritables pestes ; c'est sûrement cliché, mais la preuve se tient juste devant nos yeux.
"-Alors, comme ça, on n'a plus besoin de se cacher derrière les jupons de Palonia ?, crache la rousse.
-Je n'en aurais pas eu besoin si une certaine Cocotine ne s'était pas emparée du Pokémon que je pourchassais, rétorque Kaitlyn sur le même ton.
-Oh, tu parles de Gloss ? Je l'ai simplement trouvé par terre et...
-Espèce de sale...
-Oh ! Tu n'oserais pas ?, s'insurge Rebecca, faussement outrée.
-Tu sais ce qu'on va faire ? On va régler ça par un combat !
-Si tu y tiens tant, mais prépare toi à perdre !
-N'y compte pas trop !
-Je vais faire l'arbitre", m'interposé-je, au cas où les choses dégénèrent (les connaissant, ça pourrait partir loin, très loin).
Malgré les regards désapprobateurs presque désespérés Caleb, je m'avance, sépare les deux Mangrifs-Séviper et éloigne un peu l'attroupement.
"-Le combat opposera Rebecca à Kaitlyn, reprends-je, sûre de moi comme je l'ai rarement été. Un seul Pokémon est autorisé, n'en venez pas aux mains, non plus. Celui mettant hors combat l'autre sera déclaré vainqueur. Je précise que les combattants combattent, l'arbitre arbitre. Allez-y !
-Graphie, viens m'aider à la remettre à sa place !, s'exclame l'apprentie Photographe.
-Graphie, c'est quoi ce nom ?, se moque l'autre. Gloss, vas-y !
-Gloss, c'est pas vraiment mieux..."
Le Fouinette et le Lépidonille se font face, prêts à en découdre. Même si les affinités ne joueront ni à la faveur ni à la défaveur des Dresseuses, un grand contraste de taille est flagrant. En effet, la petite fouine est quasiment trois fois plus grande que la minuscule chenille. Ce qui signifie que la moindre attaque pourra lui être fatale ; Kaitlyn devra faire preuve d'ingéniosité pour contrer ce désavantage de taille (sans mauvais jeux de mots). En tant qu'arbitre, je dois rester impartiale et ne pas l'encourager, mais je sais qu'elle s'en sortira. Tout du moins, je l'espère.
"-Gloss, apprends leur les bonnes manières ! Griffe !
-Graphie, esquive !", rétorque Kaitlyn, avec un calme olympien.
Le Fouinette se jette sur l'Insecte, la patte levée dans le but de l'abattre. Jusqu'au dernier moment, le Lépidonille ne bronche pas. Jusqu'au dernier moment, je dis bien. Car au dernier moment, lorsque la griffe effleure à peine chenille, celle-ci saute et grimpe sur son adversaire. Elle se faufile jusqu'à l'arrière de la tête du Pokémon, tandis que sa Dresseuse s'écrie :
"-Et maintenant, Sécrétion !"
Graphie crache de la soie en plein dans les yeux de Gloss, qui aussitôt, commence à gesticuler et à se débattre dans tous les sens. Le Pokémon de mon amie tente de s'accrocher à son pelage, mais finit par lâcher et chute sur le sol, sur une hauteur équivalente à sa taille. La stratégie partait d'une bonne idée, mais Kaitlyn n'avait pas pris en compte les débats collatéraux ; c'est vraiment dommage.
Alors que la chenille gît toujours à terre et entreprend difficilement de se relever, Rebecca profite de son instant de faiblesse.
"-Gloss, achève-le !
-LA !, corrige la blonde.
-Centrifugifle !, reprend-elle.
-Graphie, esquive !"
Malheureusement, cette dernière n'a pas même le temps de remuer une antenne qu'elle se prend la queue de la belette et est projetée à l'opposé du terrain, s'écroulant contre le sol. Je crains de ce que je vais devoir prononcer, mais les résultats sont bien là...
"-Graphie, relève-toi, s'il te plaît...", supplie Kaitlyn.
Ne voulant pas décevoir sa Dresseuse pour leur premier combat, l'insecte puise courageusement dans ses dernières forces, et se relève avec peine ; malgré tout, ça m'étonnerait qu'elle continue d'encaisser de telles attaques, vu tous les dégâts infligés et comment elle tremble sur ses pattes. Elle ne tient néanmoins pas debout bien longtemps. Mais, elle n'abandonne pas. Alors que tout semble perdu, Graphie se met à luire d'une lumière cristalline, qui l'enveloppe complètement. À la manière d'un cocon. Le phénomène ressemble étrangement à une Méga-Évolution, sauf que je sais que ce n'en est pas une. Mais oui, bien sûr ! Le déclic se fait dans mon esprit ; le calme revient sur le terrain.
Graphie arbore désormais une nouvelle apparence. De petite chenille apeurée, Graphie est devenue une sorte de chrysalide, dont la fourrure est piquetée de petites écailles ; seule sa tête en dépasse, d'un air blasé qui correspond assez bien à sa Dresseuse. Graphie a évolué. Graphie a évolué en Pérégrain.
Rebecca est complètement prise au dépourvu, et cette fois-ci, c'est au tour de Kaitlyn d'en profiter.
"-Tout n'est pas perdu, je suis fière de toi ! Utilise Charge !"
La capacité ressemble davantage à un Coup d'Boule. Bien que le désavantage de talle ne soit pas réduit, les masses se sont équilibrées, ce qui permet au Pokémon fraîchement évolué d'envoyer son adversaire valdinguer hors du terrain.
J'essaie tant bien que mal de conserver ma neutralité, mais la victoire est si proche. Un... le Fouinette remue sa queue. Deux... il (elle) ne se relève pas. Trois... est-ce de la flemme ou arrive-t-il au bout de ses forces ?
"Et puis, zut !", pensé-je.
Si Margot était à ma place, elle ne se gênerait pas pour annoncer la victoire de son amie, alors je ne vois pourquoi je fais des manières.
"-Gloss est dans l'incapacité de poursuivre, c'est donc Kaitlyn qui a gagné !
-Mais non ! Relève-toi, boule de poils !, rage Rebecca.
-Et toc, et re-toc, et re-ra-ta-toc ! La prochaine fois, tu la fermes et tu me cherches pas. La Marquise, l'imbattable !", fanfaronne celle-ci, oubliant les règles élémentaires du fair-play.
***
Le reste de la journée se déroule de la meilleure des façons possibles. J'orchestre d'autres matches, qui se passent nettement mieux que le précédent, avec nettement plus de bonne humeur. Notre Marquise préférée est toute heureuse d'avoir remis l'autre cruche de Cocotine à sa place, c'est-à-dire "loin d'elle". Peut-être même un peu trop. Mais d'un autre côté, ça fait plaisir de l'avoir vue prendre sa revanche. Pour une fois, elle ne se défoule pas sur Caleb. Après la fin des cours, nous rentrons tous les trois. Comme toujours. Lundi est terminé. J-3 avant les examens.
***
Lorsque j'arrive au Laboratoire, dans la salle d'attente, je tombe sur deux jeunes personnes, une fille et un garçon (que je ne percute pas, par je ne sais quel miracle). Ils ont l'air d'avoir approximativement mon âge, peut-être un peu plus. Tous deux sont habillés d'un costume blanc, la fille porte un nœud rouge et son compagnon une cravate bleue. Malgré leurs différences, c'est-à-dire qu'elle a la peau mat et les cheveux violets coupés au carré et qu'il est blond, ils ont l'air proches et étrangement complices. Complémentaires, comme la gauche l'est de la droite.
"-Excuse-moi, tu n'aurais pas vu le Professeur Platane ?, demande-t-il.
-Si..., commencé-je.
-Espèce de malotru !, le réprimande-t-elle. Tu ne t'es même pas présenté ! Moi, c'est Sina, un prénom aussi charmant que mon minois !
-Je m'appelle Dexio, se reprend celui-ci. Bref, je me répète mais...
-Oui, je sais où il est. Vous le trouverez dans son bureau...
-Super, merci !, s'exclame Sina en s'élançant vers l'ascenseur.
-Je dois le voir aussi, je vous accompagne."
***
"-Olivia ! Tu as ramené également Sina et Dexio, bien, bien !, applaudit mon oncle.
-Vous vous connaissez ?, s'étonne cette dernière.
-Et comment, c'est ma nièce ! Mais, passons aux choses sérieuses. Olivia, tu as des devoirs ?
-Non.
-Alors, regarde et apprends ! (Puis, il se retourne vers nous deux invités, que je reconnais alors : ce sont les deux enfants avec lesquels il parlait le jour de mon arrivée, à l'aéroport) Les enfants ! Vous avez été choisis, que dis-je ?, sélectionnés parmi tant d'autres pour recevoir un Pokémon ! Les pionniers de mon projet d'en confier un à chaque petit Kalosais désireux de partir en voyage ! Les enfants... l'heure est venue de faire à votre tour un choix ! Votre futur partenaire se trouve dans cette boîte ! Mais, vous avez déjà été briefés à ce sujet, alors je ne doute pas que vous vous soyiez déjà décidés !"
Il se dirige vers son bureau, et sort un petit étui bleu d'un tiroir. Celui-ci contient trois Poké-Ball ; après mûres réflexions, Sina prend celle de gauche, tandis que Dexio opte pour celle de droite.
"-Feunnec, le Pokémon Feu et Grenousse, le Pokémon Eau ! De très bon choix !, valide Tonton.
-Et pour qui sera le dernier ?, m'enquis-je.
-Il a pas pu venir, précise la fille en secouant la tête.
-Il passera un autre jour, alors. Les enfants ! Le premier pas est fait ! Le premier pas vers l'aventure ! Ne manque plus que... le Pokédex ! Qui enregistre automatiquement les Pokémon qui vous croisez, c'est une merveille d'innovation ! Parcourez Kalos, et complétez-le ! Faites avancer mes recherches ! Faites avancer la science !"
C'est alors que je le remarque. L'éclat dans leurs yeux. L'éclat dans les yeux du Professeur, passionné par son métier. L'éclat dans les yeux des nouveaux Dresseurs, tout excités à l'idée de débuter leur voyage. Cet éclat qui brille dans les yeux de Parrain. Cet éclat qui a brillé dans mes yeux, j'en suis sûre, le jour où j'ai reçu officiellement Coraya. Cet éclat qui brillera, un jour, à nouveau. Alors, je comprends. Je sais. Je sais que, peu importe les chemins que j'emprunterai, je retomberai toujours sur elle. Ma voie. Ma vocation. Mon rêve.