Chapitre 3 : De sombres nouvelles
J'ouvre les yeux. J'observe autour de moi. Une infirmerie. Je suis seul.
Je sortais du lit dans lequel j'étais, faible, chancelant, et ouvrais la porte pour sortir de la pièce. Je sortais de la salle immaculée, calmement, comme un matin de réveil normal, pour me rendre au rez-de-chaussez du bâtiment, un bâtiment que je connaissais bien. Je peinais réellement à me lever car j'étais vidé de toute énergie. Il fallait dire que je n'avais pas eu une nuit de tout repos. La grande salle de travail était vide, contrairement à d'ordinaire, à l'exception d'un petit comité de trois personnes qui s'était formé, et semblait n'attendre que moi, autour d'une table.
- "Bien reposé UmeNeko ?", me demandait Poképédia avec inquiétude, mais d'une voix calme, alors même que personne ne m'avait vu. J'étais alors seulement en haut des escaliers, et il n'avait même pas levé les yeux vers moi.
- "Autant le dire... Non. J'ai l'impression d'avoir été écrasé par une de ces machines bruyantes que font les humains, qu'ils appellent "train". Et je pourrais même dire que ça fait presque autant mal.", dis-je difficilement, comme si ce train me roulait encore dessus.
- "Tu étais avec Efforia cette nuit ?", me questionna-t-il, non pas d'un ton accusateur mais d'un ton intrigué et soucieux.
Le petit groupe rassemblait les personnes les plus importantes de Poképédia, même si elles n'étaient pas nombreuses. Ainsi le groupe, en plus de Poképédia, contenait Méta et Mex. Ni plus, ni moins. Je connaissais cette formation, c'était celle des réunions de crise. Et ils avaient vu juste.
- "En effet. Et pas pour faire la fête.", disais-je d'un ton grave.
Quand on me connait assez bien, ont me dirait ainsi que ce n'étais pas moi. Je me demandais même si je devais dire : "Evidemment que ce n'est pas moi." Je suis plutôt du genre à rire de beaucoup de choses, et pour un rien. Et même si je savais me mettre au sérieux quand il le fallait, je le faisais toujours avec bonne humeur. Aujourd'hui, je n'avais cependant pas envie de sourire, car la situation ne s'y prêtait absolument pas, et tellement que la question ne devait même pas se poser.
- "Eh bien... Je pense que le mieux est de commencer par le début." Je m'engageais alors dans un long récit, dont la vérité décelée n'était pas de bon augure. "La nuit dernière, je retournais tranquillement chez moi accompagné de Bloom. Nous nous sommes séparés pour rentrer dans nos appartements respectifs. Aux environs de 20 heures, quelqu'un frappa soudainement à la porte. Il s'agissait de ta soeur." Disais-je en m'adressant alors au Créhelf. "Tu sais que je m'entends bien avec elle, et c'était en partie pour ça qu'elle était venue me chercher moi. Elle était sensiblement dans le même état que moi quand vous m'avez trouvé, et elle n'avait pas pu se téléporter car elle n'était pas sûre de pouvoir faire plus d'une seule téléportation. Ainsi, elle disait requérir mon aide. Et pour cause, elle m'apprenait un danger pour Arceus. Elle m'expliquait bien que d'autres personnes comme ses frères ou encore Azelma ou Mex pouvaient être plus propices à l'aider, mais elle n'avait pas assez de puissance pour venir vous chercher. Je la suivis alors, et elle m'emmena auprès d'Arceus, dans la Salle Origine, là où vit notre dieu. Et là..." Je pris une profonde inspiration, avant de parler d'une voix chevrotante... "C'était le Chaos... Oui.. Littéralement. Le Chaos. Je l'ai vu. Il prenait possession d'Arceus. Une entité noir, liquide, qui s'insinuait partout, comme les maux de notre monde. Il faisait sombre, la brume était noire comme le charbon, le tonnerre grondait comme si la fin approchait, et le vide raisonnait à pouvoir assourdir un Chuchmur. Dans un boucan infernal, Efforia disait que cela faisait plusieurs jours qu'il luttait, et elle-même avait du mal à vaincre cette entité. Elle avait malheureusement dût partir il y avait deçà une semaine, et déjà morte de fatigue à ce moment-là. Je me joignis à elle pour affronter ce monstre, même si bien évidemment, je n'allais pas être de grande utilité puisque Arceus lui-même avait du mal. J'ai mené ce qui m'a semblé être une guerre durant plus de quatre heures. Mais aux environs de minuit, Efforia faiblissait, et le Chaos entrait en elle aussi. Alors qu'Arceus avait assez de pouvoir pour lutter -même s'il montrait des signes de faiblesse-, Efforia arrivait à bout après plusieurs jours de lutte. Elle usa alors ce qui lui restait de pouvoir pour me renvoyer dans le Monde Ajusté -là où nous sommes, à l'inverse du Monde Distorsion-. Et j'ai marché toute la nuit pour vous rejoindre... Ces images sont dans ma tête comme je vous vois, tant elles m'ont marqué..."
Ils se taisaient tous. Bien qu'ils gardaient leur calme, un brin d'inquiétude se discernait dans leur regard. Maintenant que mon récit était fini, je remarquais que je pleurais, et à chaudes larmes. Créhelf prit alors la parole.
- "En tous cas, je comprends maintenant la nature du problème, et également le signal que j'ai reçu ce matin de la part d'Efforia, ainsi que le délai pour le recevoir. Il est aussi fort probable que le signal soit le moment où j'ai perdu la connexion empathique avec elle...", dit-il en retenant ce qui s'apparentait à un sanglot.
- "Néanmoins...", commença Mex, "Nous ne connaissons malheureusement rien sur la nature du Chaos, mais l'un des rares savoir qui sont transmis à son propos est que les Graines du Chaos sont hautement contagieuses une fois écloses. Il va donc falloir que je t'auscultes afin de savoir si tu as été contaminé. Nous ne pouvons malheureusement pas risquer que tu nous contamines tous."
Je me levais alors, face à Mewtwo, qui utilisait ses pouvoirs psychiques afin de déterminer si oui ou non j'étais contaminé. En attendant, Méta et Poképédia discutaient de la situation.
- "Ainsi, Arceus lui-même peut craindre quelque-chose ?", demandait le Gallame.
- "Malheureusement, oui. Le Chaos est une entité muée d'une volonté maléfique. Son seul plaisir est la destruction gratuite. Contrairement à ce que certains écrits peuvent faire croire, elle n'est pas symbolisée par Giratina, puisque nous autres légendaires savons qu'il est le gardien de l'équilibre de l'Univers. Le risque même serait d'ailleurs que le Chaos rencontre Giratina. Sa disparition ferait que notre monde s'écroulerait sur lui-même, car le Monde Distorsion ne serait plus là pour le soutenir depuis l'autre côté. Il s'agirait de même pour ce monde, si Dialga et Palkia disparaissaient, car les deux mondes se soutiennent mutuellement. Pour en revenir au sujet, le Chaos est le némésis d'Arceus. S'il y a bien quelque-chose d'aussi vieux qu'Arceus, c'est bien le Chaos, voire plus. Cependant, alors qu'Arceus est un Pokémon, nous sommes incapables de savoir si le Chaos l'est aussi. Pour cause, la première chose que dût faire Arceus pour créer l'Univers fut de vaincre le Chaos, nous empêchant ainsi de le rencontrer et de l'étudier. D'ailleurs, pour vaincre le Chaos, il dut utiliser sa plus puissante attaque, Jugement, qui est la seule à réduire à néant le Chaos. Cependant, même s'il la maîtrise toujours, il est incapable de la déployer avec la même force qu'à l'époque. Pour cause, il lui faut posséder toutes ses plaques."
- "Je ne comprends pas... Arceus possède bien 17 plaques ?", disait Méta, interloqué.
- "C'est ce que l'on apprend, car c'est la vérité, mais à l'heure actuelle. Cependant, lorsqu'il naquit, il possédait une plaque en plus, une plaque mythique dont je ne devais pas dévoiler l'existence. Aujourd'hui, nous associons les plaques aux éléments naturels que nous maîtrisons. La vérité, c'est que l'intégralité des Pokémon légendaires de la Genèse -dont notre cher Mex ne fait point partie- possèdent un deuxième ou troisième type, le type Univers. Il est lié à la plaque d'Arceus, la plaque ultime, la plaque Cosmos. Ce type n'a pas d'effet cependant sur nos faiblesses ou nos résistances : il nous confère seulement nos aptitudes divines -du type immortalité- ainsi que notre délégation du pouvoir divin."
- "Et qu'est-il arrivé à la plaque Cosmos ?", demandait alors Méta, avide d'en savoir plus.
- "Pour cela, il va falloir quelques explications préalables. Les plaques d'Arceus sont composées d'un matériau divin, que l'on nomme l'Arkéuze -par dérivation du nom d'Arceus-. Ce matériau divin possède des propriétés dépassant l'entendement. Lorsque Arceus affronta le Chaos, il devait avoir ses 18 plaques ensembles, car l'Arkéuze a notamment cette propriété : la propriété symbiotique. Après sa victoire, Arceus s'en rendit compte, et commença par sacrifier sa plus puissante plaque afin d'atteindre la perfection pour construire l'Univers. Ainsi aujourd'hui, l'Arkéuze compose tous les éléments de l'Univers. Ce matériau coule dans nos veines à tous, et même dans celles d'Arceus. Mais au départ, cette matière ne devait rester que dans ses veines à lui. Et c'est ainsi qu'il n'a plus toutes ses plaques, parce que l'une d'elle n'a plus vraiment sa forme d'entant.", conclut Poképédia.
- "Mais, pourquoi ne récupère-t-il pas sa plaque ? Il en a bien la capacité ?", continuait le Gallame.
- "Eh bien, ce n'est pas car il ne peut pas mais car il ne veut pas. En effet, s'il veut récupérer ses plaques, il doit défaire tout ce qui a été créé à partir de ces plaques. Or, comme il meubla l'Univers en utilisant la plaque Cosmos, il devrait détruire cet Univers, un choix naturellement impensable. Heureusement, les plaques sont indestructibles et immunisées au Chaos, car elles sont elles-même un composant d'Arceus. Le Chaos peut bien détruire ce que produit Arceus à partir de cette plaque -lui ôtant ainsi leur forme-, les deux ne peuvent point s'annuler mutuellement... Oui, car j'ai dit que Jugement pouvait réduire à néant le Chaos, c'était une manière de parler. Nous n'avions plus entendu parler de lui depuis des lustres car nous le pensions hors de notre portée, sauf pour Arceus qui devait le garder emprisonné dans une dimension inaccessible, l'empêchant ainsi de nuire. Il est donc fort étonnant qu'il soit en liberté. Néanmoins, si c'est le cas, notre monde pourrait bien courir à sa perte... Voire même tous les mondes.", dit-il d'un ton grave.
- "Mais, Arceus est bien omniscient. Il sait tout et il voit tout. Il devait donc se douter qu'il ne devait pas le faire ?", demandait interloqué Méta.
- "Arceus a beau être omniscient, il ne sait des informations que sur le déroulement du temps, qui sera né juste après lui, grâce à Dialga. Or, les seules choses qui sont nées avant Dialga, ce sont Arceus et le Chaos, car ils sont des êtres hors du temps. De ce fait, toute information pouvant les concerner ne peut pas être connu d'avance par Arceus. Ainsi, il ne pouvait pas se douter que le Chaos allait un jour s'échapper. En effet, après 13 milliards d'années de captivité, nous avions fini par penser que son sort serait bel et bien scellé."
- "... Cela me fait penser... Poképédia, la semaine dernière, nous n'avions pas reçu une lettre douteuse ?", demandait Mex. "Tu sais, écrite dans une sorte de braille cubique incompréhensible."
- "Peut-être est-ce cela ? Il devait certainement s'agir d'un avertissement. Le Chaos est malin, il sait à qui s'adresser. Je ne peux cependant pas en décrypter la langue, car elle est bien lointaine de la braille. Elle me fait penser aux ordinateurs. Oui, c'est cela. On dirait un amas de pixels."
- "J'y ai pensé sur le coup, mais difficile d'y décrypter un message.", répondit Mex. Soudain, il sembla interloqué, puis soucieux. "Hum.. Bon, nous avons notre réponse..." Il me regarda avec un regard plein de pitié. "UmeNeko, tu as passé tant de temps auprès du Chaos que tu as été contaminé. Mais pour l'heure, les Graines du Chaos n'ont pas encore écloses. Tu n'as donc contaminé personne. Cependant, je te prierais de remonter à l'infirmerie, Créhelf et moi devons prendre une décision très privée. Méta, sors d'ici.", disait-il froidement.
Sage comme il était, Méta ne contesta pas les ordres de Mex, mais sa peau ordinairement blanche arriva à devenir encore plus blanche que blanche, tant il pâlissait. Il semblait comprendre que la décision était si importante qu'elle ne relevait plus de son domaine. Il devait en tomber des nues. Pour ma part, je montais à l'infirmerie et m'enferma quelques minutes, le temps qu'une décision soit prise, et je m'assis sur le lit.
Il y avait beaucoup de choses que j'ignorais du monde, et encore plus de l'Univers. J'ignorais déjà beaucoup du maillage complexe qu'avait dût établir Arceus pour empêcher son Univers de s'effondrer sous le poids des lois qu'il s'auto-infligeait. Je ne pouvais alors même pas m'imaginer ce qui n'était pas créé par lui-même. Ainsi, je me doutais bien que l'on ne pouvait pas me guérir, puisqu'il faudrait me lancer l'attaque la plus puissante de l'Univers, sans aucune exagération. Mais je songeais à quel destin cruel, fatal, allait-on me condamner... La mort aurait été la réponse la plus logique et la plus rapide, mais ce genre de maladie devait certainement rester dans le corps même après que le coeur ait cessé de battre... L'isolement dans une pièce fortifiée aurait été une bonne solution, mais je doutais que ce genre de maladie ait quelque-chose à faire des parois...
Soudainement, j'entendis Mex me rappeler. J'ouvris la porte et sorti de la pièce immaculée. Mon coeur battait la chamade. Le couloir me semblait extrêmement long, infiniment interminable. Les fenêtres laissaient filtrer la lumière du soleil couchant d'un début d'été, mais le rouge-orangé projeté était flamboyant et horrifiant. Mes pieds touchaient le sol, mes pas raisonnaient. Mes dernières secondes avaient probablement sonné. En descendant les escaliers, Mex me parlait.
- "Ne t'inquiète pas UmeNeko...", disait-il avec une once d'inquiétude, "... Tu ne ressentiras aucune douleur."
J'arrivais alors à nouveau en bas des escaliers, devant une salle aux dimensions désormais gargantuesques. Il n'y avait personne. Soudainement, deux pattes se posaient sur les deux côtés de ma tête, et Poképédia se plaçait devant moi, lévitant, et il me fixait dans les yeux. Ses yeux dorés brillaient, mon regard se plongeait dans le sien. Et tout à coup...
... Le néant.