Chapitre 26 : La sortie de capture
"-Mettez-vous en rang deux par deux, que je vous compte !, ordonne Melle Palonia. Deux, quatre, six, huit...
-Alors, Kaitlyn, comment te sens-tu ?, demande Caleb en imitant un journaliste.
-Bien sûr que ça va ! On part en sortie à Fort-Vanitas, je vais enfin capturer mon premier Pokémon... évidemment que ça va, tête de Saquedeneu !
-Seize, dix-huit... termine la professeure. On est au complet, montez dans le mini-bus !"
Alors, c'est comme si nous utilisions la capacité À La Queue, et prenons tranquillement place dans le véhicule.
"Tranquillement"... c'est un bien grand mot. Sans bousculades, je veux dire. Sinon, c'est l'effervescence totale, tous parlent, bavardent ou crient à tue-tête. On dirait une vraie bande de Ceriflor pendant un Zénith.
Kaitlyn s'installe à côté de Selena, Caleb et moi juste derrière.
Une poignée de minutes plus tard, la maîtresse, après avoir parlé au directeur, embarque à son tour et le chauffeur démarre.
"-En route !, commente mon voisin.
-Mauvais troupe", murmuré-je plus pour moi que pour lui.
***
J'ouvre un des livres que j'ai eu à Noël pour m'occuper, mais Caleb entame (maladroitement) la conversation :
"-Et t'as fait quoi après le Nouvel An, du coup ?
-Oh, rien de spécial. Mon oncle et Parrain arrêtaient pas de se chiffonner, alors ça laissait pas la porte ouverte pour grand chose..., réponds-je.
-Aïe, grimace-t-il. Effectivement, c'est pas génial... tu sais pourquoi, au moins ? (Je secoue la tête) Mais, t'inquiète ! Ce sont des adultes, ils savent gérer leurs problèmes, je suis sûr que ça va pas durer.
-J'espère, j'espère...
-De toute façon, Euphorbe est reparti là, non ?
-Oui, c'est ça. On l'a emmené à l'aéroport hier et il est arrivé tôt ce matin. Pour tout te dire, j'ai cru que j'allais me mettre à pleurer, mais j'ai pensé à la joie que j'avais ressentie en le revoyant et... c'est passé. Quitte à dire au revoir à une personne qui t'es chère, autant le faire avec le sourire ! C'était tout de même moins pire que la première fois !
-La première fois... quand tu as quitté Alola ?
-Oui ! J'étais inconsolable ! Un vrai petit Manzaï !", plaisanté-je.
Mon ami se renfonce dans son siège et passe une main dans ses cheveux châtains, en regardant par la fenêtre.
"-C'est marrant que vous soyez aussi proches, alors vous n'êtes pas de la même famille.
-Eh !, protesté-je en lui donnant une tape amicale. Dis pas ça ! C'est du pareil au même, famille ou pas ! Ce sont les liens qui comptent !
-Ouais, dit-il après une pause. C'est un peu comme un père, pour toi, non ?
-Bah... "père", je sais pas, avoué-je. J'en ai pas eu un suffisamment longtemps pour pouvoir juger. Une sorte de grand-frère, peut-être ?
-Ah, oui ! Il fallait que je te parle d'un truc, viens", dit-il en me faisant signe de me pencher à son oreille.
Je m'exécute et il reprend en chuchotant le plus faiblement possible :
"-Il faut qu'on assure, avec Kate. Vu qu'elle a pas encore de Pokémon et nous si, il faut qu'on l'aide, ok ?
-Alors, on s'amuse bien ici à ce que je vois ?", nous coupe l'intéressée.
Je sursaute et m'éloigne de lui en un bond. Nous regardons chacun dans une direction opposée, aussi rouges de gêne et de confusion l'un que l'autre.
"-Bon, on va vous laisser, alors, hi hi hi !", ricane sa voisine avant de se retourner.
***
"-Très bien, on va pouvoir commencer, annonce Melle Palonia quand nous sommes arrivés et descendons du bus. Nous sommes à Fort-Vanitas, ville touristique connue pour son manoir laissé à l'abandon, objet d'orgueil pour les habitants.
-C'est la Carte, c'est la Carte, se moque Rebecca.
-Un commentaire à faire, peut-être ?, reprend la prof'. Non ? Très bien. Vous êtes ici pour capturer vos premiers Pokémon, si ce n'est pas déjà fait. Dans ce cas, vous n'êtes pas dispensés d'aider vos camarades et pourquoi pas d'agrandir votre équipe. Je vais vous laisser champ libre. Oui, vous avez bien entendu, champ libre. Mais. MAIS. Il y a des règles. D'abord, allez où vous voulez, soyez seulement de retour ICI à 17 heures PÉTANTES. Tout retard sera pénalisé par un devoir supplémentaire. Ensuite, n'importunez pas les locaux ! Notre École est reconnue pour le comportement exemplaire de ses Élèves et ce, depuis des générations. Toute mauvaise conduite que l'on me rapportera sera égale à une punition. Enfin, ne vous mettez pas en danger, surtout si vous traînez du côté de la Falaise Muraille ! Je veux vous récupérer à l'heure et en un seul morceau ! Si vous êtes à court de Poké Ball ou au moindre souci, un coup d'Holokit. C'est compris pour tout le monde ? Très bien. Qu'attendez-vous donc ? C'est parti !"
On se répartit en petits groupes, exceptés les Cocotines et leurs acolytes qui, sur leurs grands Galopas comme d'habitude, ne se mêlent pas à nous.
Cloé, Jackson, Laurent, Amélie et Selena partent en direction de l'Antre Nosferapti et de la Route 8 ; Artémis, Lukas, ainsi qu'Emma et Maël qui se sont joints à nous, se dirigent vers la Pension Pokémon et le Château de Combat, sur la Route 7.
"-Et nous ?, demande Kaitlyn. On fait quoi ?
-Ce que tu veux ", répond mon complice.
Elle prend alors les devants en se mettant en marche, plutôt en course.
"-Quelle est votre souhait, Madame la Marquise ?, m'informé-je.
-Une Marquise doit avoir une habitation digne de ce nom ! On va au Palais Chaydœuvre !"
***
"-Eh ! Madame la Marquise ! Ralentis un peu !, rouspète Caleb, à bout de souffle.
-Valet et servante, je vous dis d'accélérer un peu !, crie-t-elle, loin devant nous sur l'Allée du Palais. Vous avez voulu jouer à ce jeu, moi, j'y jouerai jusqu'au bout !
-Kaitlyn, on profite même pas du paysage !, me plains-je.
-On en profitera après ! D'abord, je veux visiter le château !"
Elle presse encore le pas et prend encore de l'avance. Je soupire. Elle ne prend même pas le temps d'observer les alentours. Ceux si sont pourtant magnifique, surtout pour une Photographe en devenir comme elle. Des arbres et des buissons bordent de part et d'autre le chemin et au-delà se trouvent deux zones de très hautes herbes. Je devine que c'est là qu'elle voudra effectuer ses recherches sur le chemin du retour.
Pour la rattraper, Caleb et moi zigzaguons au milieu des groupes de Touristes, les bousculant parfois par mégarde, ce qui nous vaut des regards courroucés de leur part.
Finalement, nous arrivons à la rejoindre, car celle-ci s'est arrêtée en plein milieu du chemin, à l'entrée de l'esplanade où se dresse le monument.
"-Ouah !", souffle-t-on, ébahis par la beauté des lieux.
C'est vrai que le Palais Chaydœuvre en impose : un vrai... chef d'œuvre (sans mauvais jeu de mots). C'est un somptueux édifice, resplendissant de dorures. Plusieurs grandes fenêtres ornent sa façade.
Kaitlin s'arrache soudainement à sa contemplation et reprend sur les chapeaux de roues :
"-Allez ! Dépêchez-vous, le portail est ouvert !
-Et alors ?
-Alors, on en profite ! On va pas avoir à payer ! Normalement, ça coûte un bras !
-Espèce de Persian...", ronchonne son ami en s'élançant sur ses talons.
***
Nous passons donc la matinée à visiter le château dans ses moindres recoins. Caleb s'amuse à faire des grimaces à Maximus dans la Galerie des Glaces, tandis que Kaitlyn préfère essayer les matelas du lit du roi. Moi, je prends tout un tas de notes en m'appuyant sur le plan et photographie chaque panneau explicatif pour pouvoir les lire plus tard.
On n'oublie pas de flâner un peu dans les jardins géométriques à la Kalosaise.
"-Zekrom et Reshiram !, commente Kaitlyn lorsque nous passons près de leurs statues. Pokémon légendaire de ma région...
-Arrête Kate, même si t'en rêves, tu pourras jamais les capturer !
-J'en avais pas l'intention, réplique-t-elle avec flegme. D'ailleurs, ajoute-t-elle en regardant l'heure à son Holokit, fidèle valet, fidèle servante, on décolle ! Sinon, votre Marquise n'aura pas le temps d'attraper son premier partenaire !
-À tes ordres...", opine-t-on, regrettant d'avoir lancé ce petit jeu qu'elle prend tellement au sérieux.
Nous quittons les jardins et retournons devant l'entrée du palais.
Il faut maintenant que notre chère Marquise choisisse entre prendre le chemin de gauche, ou de droite.
"-Droite, gauche ? Gauche, droite ?, plaisante le garçon. Toute ta carrière, tout ton avenir repose peut-être là-dessus !"
Kaitlin ne lui en tient pas rigueur, et avec un calme olympien, joue cette décision à pile ou face.
"-Face, on va à droite", conclut-elle en illustrant son propos.
***
Nous arrivons devant les hautes herbes, qui font quasiment notre taille. Kaitlyn s'avance mais avant d'y entrer, se ravise brusquement et nous serre dans ses bras.
"-Merci, dit-elle simplement.
-Y a pas de quoi !, répondons-nous en chœur.
-Coraaa ! Corayon !, fait Coraya perchée sur ma tête.
-Mucus mucuscule !", renchérit Maximus aux pieds de Caleb.
Kaitlyn va capturer son premier Pokémon. Et pour cela, nous avons un plan. Le Plan.
Son principe est très simple : dès qu'elle en trouve un qui lui plait, Caleb et moi le prenons en tenailles pendant que nos Pokémon l'assomment d'un coup de Bulles d'O. Ainsi, notre amie peut lancer une Poké Ball, avec une forte probabilité de réussite.
"-Vous êtes prêts ? Sûrs ?, demande-t-elle à nouveau (même si elle ne l'avouerait jamais publiquement, je sais qu'elle est morte de trouille à l'idée d'échouer).
-Oui ! Vas-y, Marquise ! C'est ton heure de gloire !", lui assure son valet en la poussant dans les hautes herbes.
Elle progresse furtivement ; nous la suivons à pas de velours, en repoussant les plantes qui nous fouettent le visage. Je n'ose imaginer sa réaction si le Plan venait à rater par notre faute.
Soudain, elle se retourne, le visage rayonnant et désigne un mignon Fouinette, qui grignote une Baie Pêcha à quelques mètres de nous.
Aussitôt, le Plan est lancé.
Caleb et moi partons chacun d'un côté différent le plus discrètement possible pour encercler la petite belette. Lorsque nous atteignons nos positions, en un regard, un hochement de tête, nous comprenons que nous pouvons passer à la phase suivante. Notre amie, tapie dans un bosquet, nous le confirme, son pouce levé.
"-Coraya, Bulles d'O !, m'exclamé-je en sortant de ma cachette.
-Maximus, Bulles d'O !", s'écrie quant à lui Caleb.
Le Pokémon Normal relève la tête, malheureusement pour lui, trop tard, et il se prend les deux attaques en pleine face.
Kaitlyn s'apprête à jeter sa Poké Ball, mais hésite un instant de trop et sa cible prend la fuite.
"-C'est son talent Fuite !, précisé-je. On lui court après !"
Débute une véritable course-poursuite entre nous et le Fouinette sauvage. Caleb s'éloigne un peu, et en courant aussi vite qu'il le peut, parvient à prendre le fuyard à revers. Nous réitérons notre attaque combinée, lorsque tout à coup, une voix lance :
"-Poké Ball, go !"
Celle-ci emprisonne le Fouinette, remue trois fois avant de se figer avec un "bip !" retentissant. Seulement, cette voix n'est pas celle de Kaitlyn. C'est celle de Rebecca. Elle surgit des fourrés, accompagnée de Margot qui tient un Psytigri dans les bras.
"-Mission accomplie !, déclare-t-elle, hautaine, sans se soucier de nous. On peut aller rejoindre les gars...
-Oh, toi ! Espèce de sale..., commence notre amie avant que Caleb l'empêche de se ruer sur les Cocotines.
-C'est le jeu, ma pauvre Kaitlyn ! Ou, comment vous dites, déjà ? C'est le "Plan", c'est ça ? Ha ha ha ha !", se moque-t-elle, après quoi elles s'éloignent d'une démarche satisfaite.
***
Kaitlyn est dépitée. Nous passons le restant de l'après-midi à essayer de lui dégoter un autre Pokémon. En vain.
Ces Cocotines, que je ne qualifierai pas au risque de me montrer vulgaire, ont anéanti toute sa confiance en elle. Caleb et moi essayant tant bien que mal de la réconforter. En vain, là aussi.
À 17 heures, nous retournons comme prévu à Fort-Vanitas. Tous nos camarades ont réussi leurs captures, à l'exception de Laurent, Artémis et Lukas, qui ont reçus un Œuf, mais cela ne fait que miner davantage le moral de notre amie, qui n'a plus sorti un seul sarcasme de toute la journée.
Durant le trajet de retour, je me mets à côté d'elle dans l'espoir de la consoler. J'échoue lamentablement : elle ne dit pas un mot. Quant à Caleb, il s'égosille en compagnie d'Amélie et Selena :
"-Chauffeur si t'es Champion, appuie sur le Trompignon !"
Une fois que nous sommes arrivés à l'École, Platane vient me chercher, pensant que je serai fatiguée, et propose également de ramener mes amis.
"-Comment ça s'est passé ?, demande-t-il, sans doute en constatant nos têtes d'enterrement.
-Ça s'est passé... comme ça s'est passé...", soupire Kaitlyn.
La voir dans cet état me fait vraiment mal au cœur.
Je bouillonne de colère envers ces petites pestes : pourquoi font-elles tout ça ? Qu'est-ce que ça leur apporte de plus ? Je me fais une promesse silencieuse : leur donner une bonne raclée lors des cours de combats, pour les faire payer pour tout le mal qu'elles ont commis et venger mon amie.